• "Korrigan" (du Breton korr, nain, suivi du diminutif ig et du suffixe an, pluriel Breton: Korriganed) signifie  "petit nain"avec un suffixe hypocoristique très fréquent dans les noms de personnes. Au féminin, on trouve parfois une forme féminisée à la manière française, "Korrigane", qui peut désigner une fée malfaisante.  

    Légende des korrigans

    Les Korrigans font aussi partie du petit peuple, se sont des esprits prenant l'apparence de nains dans la tradition celtique et en particulier bretonne. (comparable au lutin français). Bienveillant ou malveillant selon le cas, il peut faire preuve d'une extrême  générosité, mais est capable d'horribles vengeances.

    Légende des korrigans

    Leur apparence est variée, ils peuvent être dotés d'une magnifique chevelure et d'yeux rouges lumineux, à l'aide desquels ils sont censés ensorceler les mortels ou être décrits comme étant petits, noirs et velus, coiffés de chapeaux plats avec des rubans de velours, les filles étant coiffées de bonnets violets.

    Légende des korrigans

    Les contes les situent le plus souvent dans des grottes, les tumuli ou encore dans les dolmens. Mais ils hantent également les sources, les fontaines ou les landes du pays Breton.

    On leur attribue les ronds de sorcières qu'on trouve parfois sur les prés ou dans les sous-bois. On dit qu'ils y font un cercle pour danser à la tombée du jour. Au mortel qui les dérange, il arrive qu'ils proposent des défis qui, s'ils sont réussis, donnent le droit à un vœu (ce qui est en général le cas pour les hommes bons). Mais qui peuvent en cas d'échec, se transformer en pièges mortel menant tout droit en enfer ou dans une prison sous terre sans espoir de délivrance. Dans la nuit du 31 octobre, on prétend qu'ils sévissent à proximité des dolmens, prêts à entraîner leurs victimes dans le monde souterrain pour venger les morts des méfaits des vivants.

     

    Légende des korrigans

    LA GIGUE DES KORRIGANS

     

    Légende des korrigans

     

    Il est un pays, là-bas, tout au bout du monde, ou le vent souffle tellement fort que les habitants, de peur que la terre s'envole, ont posé d'énormes cailloux un peu partout sur le sol, avec çà et là de petits murets de pierres sèches, lesquels courent le long des landes et des vallons. Et le vent, il peut souffler tant qu'il veut... Le pays Breton est toujours là, tout au bout du monde, face à l'océan et au soleil couchant. Mais juste avant d'arriver au bout du monde, il y a un petit village en bordure de falaise, avec un phare, très haut, dans la nuit pour guider les bateaux.

     

     

    Ce soir, le phare, il brille plus fort encore afin de guider les voisins, les amis venus de loin par les chemins, pour célébrer le mariage de la fille du charpentier. Montent les rires, montent les chants. Montent surtout les notes joyeuses du violon qui mène la danse... Et frappent les pieds sur le sol. Petit doigt agrippé à celui de la voisine, les bras se balancent d'avant en arrière. La longue file des danseurs serpente et s'étire entre les tables de la noce. Et ce diable de violon enchaîne les airs, toujours plus fou, toujours plus gai.

    Le jeune Fanch, malgré sa bosse sur le dos, c'est le meilleur violoneux de tout le pays. Il n'a pas son pareil pour faire danser. On pourrait croire son violon ensorcelé tant les notes de musique donnent envie de gigoter. C'est toujours pareil: ça commence par le pied, il bat la mesure, c'est plus fort que tout. ça remonte le long des jambes, elles tremblotent, elles s'agitent, c'est le corps entier qui se tortille... Et hop! C'est parti mon kiki, vous entrez dans la danse sans savoir quand vous finirez. Et passent les heures... Et passe le temps... Si bien que la lune haute dans le ciel invite les convives, l'un après l'autre, à regagner leur logis, tout étourdis d'une si belle soirée.

    Légende des korrigans

    La nuit retrouve ses droits. Aux rythmes joyeux succède un silence profond, interrompu de loin en loin, par le chant rauque d'invisibles grenouilles. Le jeune Fanch, malgré sa bosse sur le dos, s'en retourne chez lui. C'est loin, il faut marcher, marcher longuement. Traverser des collines, des vallons et puis, une lande mystérieuse... Derrière, la lueur du phare a disparu depuis bien longtemps. Il n'y a plus de grenouilles. Juste la nuit. Au clair de la lune. Le jeune Fanch avec sa bosse sur le dos chemine. Au clair de la lune, voici la lande. Fanch devine la silhouette massive des pierres dressées. On dirait des gens immobiles. Certains disent que sous chaque pierre se cache un trésor. Certains disent que pour chaque trésor, un gardien veille dans la nuit. Loin, très loin un clocher sonne... Minuit. Comme c'est étrange... une lueur vacille là-bas, près du vieux dolmen. Peut-être est-ce un berger? Mais il semble n'y avoir aucun mouton. Un voyageur égaré? Aucune route ne traverse ces landes perdues. Alors peut-être... des brigants dans leur cachette? Des sorcières au sabbat? un dragon préparant des crêpes flambées? Le jeune Fanch, avec sa bosse sur le dos, serait bien inspiré de passer son chemin. Mais la curiosité habite chacun de nous, bossu ou non. Ainsi, Fanch, jeune bossu et curieux, s'avance à pas feutrés. Pas à pas, il approche du dolmen. La lueur danse, caresse la pierre avant de mourir, mangée par l'obscurité. On entendrait... briller les étoiles. Mais on entend...comme une petite chanson.

    Légende des korrigans

    Lundi, Mardi, Mercredi...

    Lundi, Mardi, Mercredi...

    Caché derrière un gros menhir, le jeune Fanch avec sa bosse sur le dos glisse alors un œil... Pour voir.

    Lundi, Mardi, Mercredi...

    Et là, il n'en croit pas ses yeux. Devant lui... Des Korrigans! Pas ceux des légendes, les vrais! Ar gorriganed. Ils dansent, formant une ronde. Ils chantent toujours ces mêmes paroles...

    Lundi, Mardi, Mercredi...

    Lundi, Mardi, Mercredi...

    La rengaine devient lassante, et si le pas de danse est bien là, les paroles, elles, n'y sont pas. Aussi, le jeune Fanch avec sa bosse sur le dos n'y tenant plus, il sort de sa cachette et reprend le couplet en chœur avec les Korrigans.

    Lundi, Mardi, Mercredi...

    Et Fanch de rajouter:

    Puis le Jeudi et Vendredi, You-pi!

    D'un coup, c'est le silence. La ronde se fige. Les notes de musique tombent par terre comme de gros cailloux inertes. Tous les regards se tournent vers l'intrus. Passent les secondes... c'est long... Passe la surprise. Soudain, c'est l'hystérie chez les Korrigans! Chacun y va de sa galipette, tant il est content de ce "nouveau couplet". "Comme la rime est jolie, elle termine bien notre chanson. Si la boîte à vent que tu portes au flanc pouvait servir de compagnon..." Le jeune Fanch, malgré sa bosse sur le dos et la fatigue assise dessus, sent bien que l'heure n'est pas aux contrariétés. Il prend son violon. Dès les premières notes, l'enthousiasme est tel que les Korrigans se lancent dans des gigues encore plus folles.

    L'histoire ne dit pas si le soleil se leva plus tôt, tiré de son sommeil par le violon magique. Toujours est-il qu'il joua des coudes avec l'aube et l'aurore, qui, peu avant lui, étaient venues écouter les dernières notes de musique. Car la nature sait bien qu'aux premières lueurs disparaissent les esprits de la nuit. Le roi des Korrigans vient, en personne, remercier Fanch d'avoir si bien mené la danse.

    "Pour te récompenser, prend ce sac de pièces d'or, à moins qu'un autre souhait soit plus cher à ton cœur?"

    Dame! Il est vrai que l'or, le jeune Fanch avec sa bosse sur le dos, n'en n'a jamais eu, pas plus que vu. Mais au poids réconfortant de cette fortune offerte, il préfère s'alléger du poids de celle dont il n'a jamais pu voir l'ombre.

    "Va maintenant et marche droit. Ta bosse avec nous restera."

    "Ma bosse, ma bosse, j'ai perdu ma bosse! Ma bosse, ma bosse, j'ai perdu ma bosse!"

    Le jeune Fanch, sans sa bosse sur le dos, court, vole, bondit. Jamais il ne s'est senti aussi léger, et pour cause: sa bosse a disparu! Il n'est plus bossu... Il n'est plus bossu! Le voici comme les autres. Il l'était déjà, direz-vous, mais aujourd'hui il l'est plus encore. Même que Soizic, avec ses cheveux blonds comme les blés acceptera de danser avec lui... Ce n'est pas tant qu'elle lui aurait dit non, cependant, bossu comme avant, jamais Fanch n'aurait osé l'inviter. A partir de ce jour, tout va changer! Peut-être même aura-t-il le courage de lui faire part... de lui avouer... Mais voici le village. Et le jeune Fanch, sans sa bosse sur le dos chante, saute de joie sous les regards étonnés.

    "Dame! Regardez comme il est droit! On nous l'a changé!"

    Bien vite, les commérages cessent.

    "C'est l'bon Dieu qu'est passé par là! L'est si gentil not'violonneux!"

    Il faut dire que Fanch reste fort discret quant à la disparition de sa bosse. Pourtant, un homme veut tout savoir de ce mystère. Bossu lui-même, le tailleur du village - car il s'agit de lui- ne cesse de harceler Fanch à toute heure, en tout lieu, afin que celui-ci lui livre son secret. Le tailleur est de ceux qui masquent, pour le paraître, une laideur d'âme fort nuisible aux autres et, dans ce cas précis, tous les plus beau habits du monde n'y changeraient rien. Aussi Fanch s'interroge. La boss du tailleur nourrit certainement tant d'aigreur... Car il faut une bonne raison pour être si bête et si méchant! Il raconte donc en détail son aventure au tailleur tout ouïe. Avec son arrogance coutumière, ce dernier se moque.

    "Mon pauvre ami, vous ne connaissez rien à la vie. C'est la fortune qu'il vous fallait accepter. Avec elle, vous aviez pouvoir et reconnaissance. Votre Soizic n'aurait pas tant vu votre bosse que vos écus d'or. Je vais de ce pas faire danser ces nains cornus et... vous verrez."

    La nuit venue, une ombre se glisse le long des murs du village. C'est le tailleur, sa bosse sur le dos, son biniou sous le bras. Dix heures viennent de sonner au clocher. La nuit est tiède. Il s'engage sur le chemin. Les cailloux roulent et craquent sous les souliers vernis. Là-bas derrière, un chien aboie. Le village est déjà loin. Le tailleur avec sa bosse sur le dos et son biniou sous le bras marche à grand pas, songeant déjà quoi faire de ce trésor qu'il va se voir attribuer avant peu. Plongé dans ses pensées, il aborde la lande perdue sans même s'en rendre compte. Alentour veillent les menhirs, fantômes de granit, juste estampés, dans la nuit, par les rayons de lune. Tout est calme. Silencieux. On entendrait... briller les étoiles. Et puis d'un coup, là-bas, on entend... comme une petite chanson...

    Légende des korrigans

    Lundi, Mardi, Mercredi,

    Puis le jeudi et Vendredi,

    You-pi!

    Dame! Le tailleur avec sa bosse sur le dos n'en revient pas. Les Korrigans! Pas ceux des légendes. Les vrais, avec des cornes sur la tête! ils sont là, sous ses yeux, et ils chantent... Et ils dansent... Et ils chantent toujours les mêmes paroles d'ailleurs...

    Lundi, Mardi, Mercredi,

    puis le Jeudi et Vendredi,

    You-pi! 

    Le tailleur avec sa bosse sur le dos, il est excédé. Il n'en peut plus. ça l'épuise, cette rengaine. Alors voilà qu'il s'impose, reprenant en chœur avec les Korrigans:

    Lundi, Mardi, Mercredi,

    Puis le Jeudi et Vendredi,

    You-pi!

    Et le tailleur de rajouter:

    Enfin Samedi et le Dimanche,

    Baissons nos manches!

    Là, les Korrigans ne s'arrêtent même pas de danser. Ils ont l'habitude maintenant. Ils font juste signe au tailleur de rentrer dans la ronde.

    "Approche donc, homme au biniou, gonfle ta panse et joue pour nous, demain matin, tu verras, nous ne serons pas des ingrats."

    Légende des korrigans

    Comme ce fut long, si long... Le tailleur crut ne jamais entendre le chant du coq tant le soleil se fit attendre. Il faut croire que le biniou n'avait pas la magie du violon. Néanmoins, le roi des Korrigans vient saluer notre homme.

    "Sur ta musique, nous avons dansé toute la nuit, et de ta rime, notre chanson s'est enrichie. Prends ce sac de pièces d'or en remerciement, à moins peut-être qu'un autre souhait...?"

    "Non, non... Je sais déjà tout ça, coupe le tailleur épuisé. Epargnez-moi tous ces détails. Je suis fa-ti-gué. Donné-moi vite ce dont n'a pas voulu Fanch le violoniste qu'enfin je rentre chez moi et que l'on en finisse."

    "Si c'est là ton désir, fit le roi des Korrigans, étonné, qu'il soit exaucé."

    Une épaisse brume monte de la mer. Ce ne sera pas une belle journée. Ainsi repart le tailleur... deux bosses sur le dos. La sienne et... celle que Fanch n'a pas voulue.

    L'histoire dit: réfléchis bien avant d'agir et tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler.  

     

     

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