-Ernest Renan (1823-1892)

Joseph Ernest Renan naît, à Tréguier, dernier d'une famille de trois enfants dont le père, marin aigri, se noie en baie d'Erquy. Pour cet élève doué, d'un caractère patient et placide, lecteur avide et précoce, pour sa mère, modeste épicière, on rêve d'une carrière d'évêque qu'il prépare à Paris dès ses 15 ans (petits séminaires) puis à l'établissement supérieur pour ecclésiastiques qu'est alors Saint-Suplice. Déjà philosophe, hébraïsant, protégé par les maîtres bretons, Renan prend pourtant un autre chemin. A 22 ans, il entame un cursus universitaire: agrégé puis docteur en philosophie, il accède au Collège de France en 1862. La philosophie l'a en effet éloigné de Dieu, mais rapproché des hommes, dont Jésus, "homme incomparable". Son histoire des origines du christianisme (incluant la vie de Jésus, parue en1863), empreinte de son séjour en Terre sainte, n'est pas aussi scientifique qu'il le prétend, notamment en regard des œuvres similaires des protestants Edouard Reuss ou Edmond de Pressensé. Mais il scrute imaginaire et sensibilités religieuses avec élégance. Cet humanisme rassure la république conservatrice qu'il appelle de ses vœux. A sa manière, il la forge avec l'Ecole Libre des sciences politiques, soutenue par un autre maître d'alors, Taine, comme lui voisin du protestantisme libéral. Soucieux d'une "réforme intellectuelle et morale", apologiste de la Nation (diminuée depuis 1871), le Renan vieillissant et plein de rondeurs sait aussi renouer avec sa "petite patrie" bretonne. De 1884 à 1892, le manoir de Rosmapamon, "à deux pas de Lannion, (à Louannec) accueille des rencontres celtomanes. Mort en apothéose au Collège de France le 2 octobre 1892, le responsable du doute initial chez le jeune Claudel reste un symbole: l'inauguration de sa statue rationaliste à Tréguier provoque des émeutes en 1903, et la conversion de son petit-fils Ernest Psichari paraît une trahison.